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Putain 10 ans ! C’est le temps que nous a fait attendre BioWare avant de nous replonger dans le monde fascinant et brutal de Thedas. Depuis Dragon Age Inquisition en 2014, l’attente a été longue, nourrie de rumeurs et de promesses. Aujourd’hui, Dragon Age The Veilguard arrive enfin. Toutefois, les amateurs de la série, et donc de RPG, risquent d’être désarçonnés. Qu’il s’agisse de la direction artistique, de l’écriture ou du gameplay, tout change, avec une forte inspiration de Mass Effect et un désir de rendre l’univers beaucoup plus grand public. Il faut l’admettre : les joueurs sont les premiers à réclamer du changement, puis à hurler quand il arrive. Or, cela peut aussi être l’occasion de revisiter un univers et de le sublimer. Est-ce le cas ici ? Nous allons vous le dire juste ci-dessous.
Comment avons nous testés ce jeu ?
Ce test a été réalisé avec une version PS5 envoyé par EA sur une PlayStation 5, en mode qualité et sur un téléviseur TCL C89B.
Le scénario de Dragon Age The Veilguard : Entre Disneyisation et série pour ado, pour une aventure pourtant pleine de promesses
Dans Dragon Age The Veilguard, BioWare nous ramène dans le monde tourmenté de Thedas. Nous sommes dans la lignée des précédents opus. Solas, l’ancien dieu elfique sous apparence humaine, veut détruire le Voile. Une barrière mystique qui sépare le monde physique des Royaumes Invisibles. Il ambitionne de ramener la magie en force pour redonner à la race des Elfes sa grandeur passée, au risque de détruire le monde tel qu’il existe.
C’est là que vous, Rook, intervenez aux côtés de l’iconique Varric. Ce nain, bien connu des fans de la série, est de retour. Apprécié pour son humour et sa perspective unique sur les événements, il joue ici un rôle d’accompagnement pour vous et votre équipe.
Le Voile affaibli a laissé passer d’anciens dieux bien décidés à retrouver tous leurs pouvoirs et domination. C’est donc à vous de vous lever et de contrecarrer leurs plans, avec l’aide lointaine d’un Solas bien moins présent que dans les opus précédents. Le scénario est classique et reste fidèle à l’esprit de la série. Toutefois, pour les débutants, l’entrée en matière peut être complexe. L’univers est très riche, et les lieux et personnages nous sont introduits de manière assez abrupte, sans véritable introduction.
L’écriture du scénario est assez légère, et il y a une véritable régression en comparaison aux précédents opus. Nous passons d’un univers de Dark Fantasy adulte et sombre à une sorte de version édulcorée pour jeunes adolescents. Cela se reflète dans la trame, qui n’est pas mauvaise mais manque de profondeur. Les choses sont assez prévisibles, malgré une fin qui, elle, saura probablement vous faire vibrer. Dommage qu’il faille attendre aussi longtemps.
Les interactions avec les personnages sont du même niveau. Elles sont très actuelles : parler de café ou de soucis liés à des surnoms détonne dans cette franchise. Encore une fois, le ton semble vouloir plaire au très grand public, avec une légèreté et des blagues qui tombent souvent à plat. Cela paraîtra très étrange aux habitués de la série, mais les nouveaux venus, surtout les plus jeunes, pourraient peut être apprécier. Cependant, les différents protagonistes manquent singulièrement de profondeur et plusieurs séries pour adolescents sont plus creusées. Il est donc difficile de s’attacher à des personnages aussi lisses.
Cela a pour principal effet de casser l’immersion. Régulièrement, nous sortons de cet univers pour faire une pause dans notre monde contemporain, avant d’« essayer » de replonger dans le jeu. Globalement, l’histoire est vraiment une réussite, épique à souhait. Mais pourquoi est-elle aussi irrégulière ? Nous avons l’impression qu’à partir d’une base solide, le studio a confié certaines parties à des juniors qui n’en ont fait qu’à leur tête : blagues vaseuses, moments étirés ou sans intérêt. Puis, de temps en temps, des pépites d’écriture, mais qui ne semblent pas provenir de la même équipe.
La jouabilité de Dragon Age The Veilguard : Fun et efficace, mais où est le RPG ?
Dragon Age The Veilguard introduit un changement radical dans le gameplay de la franchise, passant des combats tactiques au tour par tour à un système d’action en temps réel. Désormais, le joueur contrôle Rook dans des combats qui requièrent une réactivité immédiate, supprimant les pauses tactiques et la gestion approfondie des compagnons. Ces derniers sont actifs, mais vivent leur vie et vous avez peu d’interactions possibles durant les combats, à l’exception de quelques combos.
Cette réorientation offre un gameplay plus accessible, mais elle peut déstabiliser les fans historiques de Dragon Age, habitués à des mécaniques plus complexes. Par contre, côté combat, c’est bien pensé, efficace, et le contrôle est rapide à appréhender. Nous avons ici un jeu d’action solide, qui offre des combats de toute beauté, parfois brouillon, mais ce n’est plus vraiment du Dragon Age… c’est davantage du Mass Effect.
Les précédents opus proposaient une belle expérience d’exploration ; ici, c’est tout le contraire. The Veilguard adopte une structure linéaire, organisée autour de niveaux en couloirs. Ils sont accessibles via les portes du Phare, votre QG entre le monde physique et éthéré. Les environnements sont ainsi moins propices aux découvertes spontanées, avec des coffres à peine cachés, ce qui limite le sentiment d’aventure. Les choix de chemins alternatifs et les zones sont rarissimes. Toutefois, dans une optique grand public, cela semble cohérent.
Des jeux comme Dark Souls démontrent qu’une suite de couloirs peut être bien plus captivante que des mondes ouverts vides. Pour cela, il suffit de quêtes, d’énigmes et d’un level design de qualité. Cependant, nous n’avons pas cela ici. En effet, les quêtes sont assez basiques et les énigmes très accessibles. Au pire, vous devrez trouver un objet à déplacer pour ouvrir une porte… nous exagérons à peine. Nous ne demandons pas des énigmes abprutes, mais qu’elles nous donnent un minimum de fil à retordre.
Ce jeu est facile, très, trop facile. On ne se sent jamais vraiment en danger, ni réellement bloqué, et même les boss sont détruits assez facilement. À trop chercher un nouveau public, Dragon Age s’égare, et pas toujours pour le meilleur. Les interactions avec les personnages sont toujours là, mais dans les précédents opus, elles avaient un impact réel. Ici, c’est bien plus rare. De plus, les possibilités se limitent à trois choix : ultra gentil, gentil, ou un peu moins gentil. Il est impossible de faire des choix tranchants ou de devenir un véritable salaud. Nous sommes passés de la Dark Fantasy à la Bisounours Fantasy.
À cela s’ajoute un bestiaire famélique : on affronte toujours les mêmes ennemis, et cela devient un peu lassant. Typiquement, le petit jeu que l’on lancera pour se faire quelques missions avant d’y revenir plus tard. Nous n’aurions jamais imaginé écrire cela sur un Dragon Age. Mais nous avons eu du mal à le terminer d’une traite. Heureusement, la mise en scène aide à faire passer la pilule, comme nous allons le voir ci-dessous.
Le technique de Dragon Age The Veilguard : Un jeu aux petits oignons pour un maximum de spectacle :
S’il y a un point où il est difficile de critiquer Dragon Age: The Veilguard, c’est bien la technique. La direction artistique des décors est somptueuse, avec un véritable sens artistique et un choix des textures de très bonne qualité. Le ray tracing est exploité avec talent et parcimonie, ajoutant une touche subtile mais réussie. Sur console, l’animation est impeccable : même avec de nombreux ennemis à l’écran, cela reste fluide. Les effets de lumière sont explosifs, jouissifs même, et accompagnent parfaitement les lancements de sorts.
BioWare en fait d’ailleurs presque trop parfois. Ce déchaînement d’effets peut nuire à la lisibilité de l’action. Des décors aux effets spéciaux, tout est excellent, une véritable invitation au voyage que nous avons du mal à refuser. Notez tout de même une dominante de violet, un choix surprenant au départ, mais auquel on s’habitue : cela fait partie de la patte du jeu. Nous nous sommes éloignés du style Dark Fantasy, mais le style artistique a son charme. De plus, comment ne pas apprécier les décors majestueux, ces sculptures titanesques au loin noyées par le soleil ? Bref, il faudrait être un mauvais coucheur pour trouver cet aspect raté.
Toutefois, s’il y a un aspect technique qui nous laisse sur notre faim, c’est bien la direction artistique des personnages. Nous évoluons dans un univers très lisse. Les visages sont bien modélisés, mais sans aucune aspérité. Par moments, nous avons eu l’impression de nous retrouver dans Fortnite. Cela ne fait que renforcer l’absence d’émotions que suscite le jeu. La plupart des personnages restent assez jolis, mais pas forcément à notre goût. De plus, avec l’outil de création de personnage, il est difficile de réaliser un beau personnage ou de se rapprocher de sa propre image, ce qui est dommage pour un RPG…
Par contre, nous sommes encore sous le charme de la technologie Strand Hair. Les cheveux bougent selon vos mouvements, le vent : c’est magique et hypnotique. Vous abuserez des “Je le vaux bien” juste pour le style !
La bande-son de The Veilguard reste fidèle à l’esprit de la série, avec des compositions orchestrales qui soutiennent l’ambiance épique et dramatique de l’histoire. Toutefois, aucun thème ne m’a semblé mémorable, cela reste plat et sans envergure. Les effets sonores des combats sont, quant à eux, bien intégrés, ils claquent bien et nous en prenons plein les yeux et les oreilles.
Techniquement, nous sommes face à un jeu bien optimisé, que ce soit sur console ou sur PC. Nous avons toutefois noté quelques facilités, comme des éléments de décor (piliers brisés, arbres, statues) copiés-collés dans une même scène. Reste que nous sommes en 2024, et avoir un jeu aussi propre dès le premier jour devient tellement exceptionnel que cela se salue. Oui, c’est un peu triste, mais cela devient presque rare avec les jeux AAA, et c’est donc à mettre au crédit de BioWare.
Au delà du jeu : Le forcing n’est jamais une bonne stratégie
Quand le testeur a lancé le jeu, il ignorait toutes les polémiques qui l’entouraient. Le moteur de création de personnage a été le premier point marquant. Il est limité : impossible de créer des personnages avec des formes variées. Par exemple, la poitrine et les fesses sont restreintes, et les têtes semblent toujours trop grosses. Cela empêche le testeur ou sa compagne de reproduire leur propre silhouette, par exemple. Pour l’inclusivité, c’est raté. Ensuite, la possibilité de créer un personnage avec des cicatrices de mastectomie nous a étonnés. Même si le jeu est interdit aux moins de 18 ans, cela interroge. Non pas sur l’intérêt de ce type d’opération, qui ne regarde que les adultes concernés, mais sur sa pertinence dans un RPG fantasy. Pourquoi intégrer cela dans un monde primitif, surtout que la magie existe ?
Viennent ensuite les pronoms. Nous ne comprenons pas leur présence, ils sont clairement limités à un univers militant contemporain. En plus de perturber la lecture , cela nous sort du jeu. Comme nous l’avons vu plus haut, nous avons la désagréable impression que des adolescents se sont accaparés l’écriture, et s’en sont servit comme d’un exutoire.
Le problème n’est ni l’inclusion, ni le traitement de sujets sensibles, polémiques ou débattus. Chaque œuvre artistique et chaque créateur a le droit de partager ses interrogations, voire de faire passer un message politique. C’est la manière de procéder qui est en cause ici, simpliste, agressive et parfois ridicule. Par exemple, faire des pompes pour un mégenrage évoque des pratiques religieuses d’absolution par l’effort et la douleur, comme le prône l’Opus Dei. Il y a mille façons, pour des scénaristes talentueux, d’évoquer ces questions, surtout dans un monde magique. Les précédents Dragon Age démontrent bien que l’inclusivité n’a jamais été un problème dans la série.
De plus, le fait d’être non binaire ouvre la porte à plus de possibilités d’interaction ou de romance. Pourquoi ? Être non binaire n’a pas de lien direct avec l’orientation sexuelle. Un homme, une femme peuvent être attiré par les deux sexes. Poser la question de la sexualité aurait été plus pertinent. Tout en laissant place à des “romances” intellectuelles ou amicales, ou se découvrir qui sait. Ce bridage et frustrant et ne colle pas à l’univers Dragon Age.
Le fait de vouloir imposer des idées sans travailler l’écriture produit l’effet inverse de celui recherché. Heureusement, la fin, épique à souhait, nous console de ces moments. Cela renforce l’idée que la trame principale et les détails d’écriture ne proviennent pas des mêmes équipes. Baldur’s Gate III est un parfait exemple d’un jeu inclusif. Tout en nous laissant toujours le choix, le talent d’écriture rend ces questions naturelles, même dans un RPG heroic fantasy. Il nous motive à explorer des pistes qui ne sont pas dans notre nature, que ce soit pour le fun, par curiosité, ou simplement pour expérimenter. Ce qui n’est pas le cas avec Dragon Age, qui, de toute façon, ne nous laisse aucun choix.
Enfin, il serait temps d’être adulte. Si une entreprise intègre des opinions politiques fortes et controversées dans une œuvre culturelle, ou si elle va jusqu’à imposer un changement de langage, elle doit assumer les risques : polémiques, débats, et bien sûr, rejets. Au vu des coûts de développement d’un jeu AAA, il est encore plus difficile de comprendre cette volonté de diviser au lieu de réunir, d’autant plus que Bioware transforme déjà radicalement le concept du jeu. Les joueurs sont prêts à accepter tous les sujets, être provoqués ou réfléchir à des problématiques. Mais, à presque 80 euros, il est indispensable que la qualité d’écriture soit au rendez-vous. Ces messages doivent enrichir l’expérience, non la dénaturer. De plus, cela nous éviterait de sortir de ce qui nous intéresse dans cette rubrique, le jeu vidéo et le plaisir de jeu.
Conclusion, prix et disponibilité
Dragon Age The Veilguard est disponible sur PC, PS5 et Xbox Series au prix de 79,99 euros sur le site de l’éditeur et chez les revendeurs partenaires.